Le Griffon (Bartsch 93)

Martin Schongauer est l’un des plus grands artistes rhénans de la fin du XVe siècle. Formé dans l’atelier de son père, orfèvre, il en retient une intense précision et un souci du détail incomparable. S’il commence sa carrière comme peintre, Schongauer est surtout passé à la postérité comme graveur, s’affirmant comme un buriniste d’exception : auteur d’un corpus de 116 planches, il a réalisé des œuvres d’une pureté graphique et d’un sens de la composition inégalés jusqu’alors, telle la fameuse Tentation de Saint Antoine. Dürer lui-même le considérait comme un maître. Si la majorité de sa production relève de l’iconographie religieuse (vierges, saints, vie du Christ…), c’est parmi les rares œuvres profanes que l’on trouve certaines de ses plus belles créations, à l’image du Griffon. Bien que Schongauer n’ait daté aucune de ses estampes, il est possible de les classifier en plusieurs phases. Le Griffon se rattache à la dernière période de son œuvre gravé, celle de la pleine maturité graphique, entre 1485 et 1491 . La destination de cette planche n’est pas clairement identifiée : il pourrait s’agir d’un modèle pour des orfèvres ou des sculpteurs . Sur le plan iconographique, le griffon de Schongauer est atypique, fusionnant les caractéristiques d’un aigle et d’un taureau, alors que cette créature hybride est traditionnellement représentée avec le corps d’un lion et la tête et les ailes d’un aigle. D’un point de vue symbolique, le griffon incarnait notamment par sa dualité formelle la double nature du Christ, divine (aigle) et humaine (taureau).