Lettre de Juliette Drouet à Victor Hugo, 17 janvier vendredi après midi 3h 1851

Inscription manuscrite - 17 janvier 1851, vendredi après-midi 3h.Tu n’es pas chez toi, a-t-on dit à Vilain tout à l’heure, ce qui me fait craindre de ne pas te voir avant ce soir et Dieu sait à quelle heure. Je ne sais pas ce qui ce passe ; mais je donne au diable toute la politique quelle qu’elle soit si c’est elle qui t’empêche de te montrer un peu affectueux pour moi. Je suis furieuse et agacée au dernier point. Je me dis cette chienne de République qui absorbe et qui confisque aussi complètement ton loisir, ta personne, ta santé, ton génie et ton cœur. Une forme de gouvernement qui a pour seul avantage de ne pas laisser une heure de repos et de sécurité à personne est un absurde gouvernement. Je le dis tout haut tant [pire] pour notre opinion particulière. Je suis si énervée, si triste et si malheureuse que je me soulage comme je peux en investissant la cause première maintenant que je n’ai plus d’espoir de vous voir avant la fin de la séance et que je suis toute harnachée. Je vais sortir un peu pour tacher de faire diversion à la rage intérieure qui me ronge les [freins ?] et le cœur. Quel beau sort que le mien et quel doux pays que celui de France. Voime Voime que le diable lui torde le coup et moi aussi. Juliette