Les amusements nocturnes

Un homme est couché dans sa chambre, il lit à la lumière d'une bougie. Il est en chemise de nuit et porte un bonnet de nuit. Ses habits et pantoufles ainsi que ses bottes sont au sol ou jetés sur une chaise. Le ciel de lit est une longue draperie qui tombe jusqu'à terre. Cette draperie dissimule un étrange mécanisme : un broc d'eau est suspendu au moyen de ficelles, ces dernières courrent jusque dans un réduit dans une pièce voisine. Quatre enfants, se retenant difficilement de rire, actionnent les fils qui vont à coups sûr fairent basculer l'eau sur le pauvre lecteur. L'un des enfants, tient un baton surmonté d'un masque blanc et d'une voile blanc, il s'agit sûrement d'un faux fantôme destiné à effrayer encore davantage leur victime. Balzac et le dessinateur Eugène Lami se sont côtoyés dans les salons artistiques, comme celui tenu par Olympe Pélissier. Les mêmes références aux mœurs de leur temps ont souvent inspiré parallèlement les deux artistes sur de nombreux sujets comme on peut le constater dans l’extrait suivant :"Ennuyés au logis, ces jeunes gens ne trouvèrent aucun élément de distraction en ville ; et comme, suivant un mot du pays, il faut que jeunesse jette sa gourme, ils firent leurs farces aux dépens de la ville même. Il leur fut bien difficile d'opérer en plein jour, ils eussent été reconnus ; et, la coupe de leurs crimes une fois comblée, ils auraient fini par être traduits, à la première peccadille un peu trop forte, en police correctionnelle ; ils choisirent donc assez judicieusement la nuit pour faire leurs mauvais tours. Ainsi dans ces vieux restes de tant de civilisations diverses disparues, brilla comme une dernière flamme un vestige de l'esprit de drôlerie qui distinguait les anciennes moeurs. Ces jeunes gens s'amusèrent comme jadis s'amusaient Charles IX et ses courtisans, Henri V et ses compagnons, et comme on s'amusa jadis dans beaucoup de villes de province. Une fois confédérés par la nécessité de s'entr'aider, de se défendre, et d'inventer des tours plaisants, il se développa chez eux, par le choc des idées, cette somme de malignité que comporte la jeunesse et qui s'observe jusque dans les animaux. La confédération leur donna de plus les petits plaisirs que procure le mystère d'une conspiration permanente." [Extrait de La Rabouilleuse, par Honoré de Balzac]