Lettre autographe signée de Jacques-Emile Blanche à Henry Lapauze, 24 septembre 1915

Transcription : « Offranville, 26 septembre 1915.Mon cher Lapauze,Marcel [Prévort] m’a écrit ce qui s’était passé et ce qu’il vous avait répondu. Je regrette que l’on ne m’ait pas prévenu plus tôt. Quand je vous ai écrit, le jour de mon départ pour une cure qui ne m’a pas encore beaucoup réussi, je croyais que vous voudriez bien me dire ce que renfermait la lettre de vous, que je ne pouvais retrouver et laquelle je n’ai jamais eue.Je suis absolument confondu, mon cher ami, qu’il y ait pu avoir le moindre doute sur le sens de la phrase de mon article, qui a paru malveillante pour le midi. J’adore le midi, ses habitants, et j’ai une partie de ma famille en Vaucluse, par laquelle je comprendrais, si je ne le faisais pas d’instinct, la sensibilité et l’esprit des méridionaux. Je n’ai voulu que faire des petits tableaux de Paris de l’hiver 14-15, et Paris, à ma rentrée, m’avait frappé comme ayant un aspect de ville de l’Est. J’étais allé peu de temps auparavant à Marseille où l’on ne doutait pas, au dehors, que l’on fût en temps de guerre et d’angoisses, et mon retour, par Lyon et le centre de la France, m’avait beaucoup impressionné, comme vous pouvez le croire.Il y a peu de gens en France qui aient souffert, et souffrent, autant que ceux du midi, par cette guerre, et Dieu sait si j’ai des occasions, et en aurai, dans mes cahiers, d’exprimer mon sentiment et ma sympathie. Autour de nous, là-bas, cela a été une hécatombe, et les familles sont sublimes de résignation. Quant au tempérament de ces êtres qui sont nés dans un rayon de soleil, il est, forcément, tout autre que celui du nord. Je crois comprendre cela si bien, qu’il m’est douloureux de passer pour avoir voulu être désagréable, ou sévère, pour ceux là-mêmes qui sont le plus près de moi.D’ailleurs ces pages de revue sont écrites dans la hâte et, en composant mon livre, je refais beaucoup de choses. C’est terrible, cette fébrilité où l’on est pendant la guerre, il vaudrait bien mieux ne pas écrire du tout. D’autre part…. !Enfin, mon cher Lapauze, je ne puis que vous assurer de mon sincère dépit et vous prier de croire que, si je ne me suis pas exprimé, j’en suis profondément au regret.Bien cordialement vôtre.J.E. Blanche »