La plus importante collection au monde consacrée à la Révolution française est conservée au Musée Carnavalet.
- Les états généraux 1789
- La prise de la Bastille1789
- La fête de la Fédération 1790
- De la monarchie constitutionnelle à la proclamation de la République 1791-1792
- La chute de la monarchie et le destin de la famille royale 1792-1793
- La mesure du temps : le calendrier républicain et l'heure décimal
- La convention 1792-1794
- Le directoire 1795-1799
- La Révolution et la guerre 1792-1799
- Destructions, effacements et invention du patrimoine parisien
Dans les années 1780, le modèle de la monarchie absolue, critiqué depuis longtemps par les philosophes des Lumières, est à bout de souffle. Touchés par le chômage et la disette, révoltés par les inégalités, de nombreux Français, y compris dans les faubourgs parisiens, se lancent alors dans l’insurrection. Incapable de répondre aux nombreuses attentes de réforme, le régime est, en outre, déstabilisé par la crise financière et la dette de l’État. Le roi n’a d’autre choix que de convoquer les états généraux, qui s’ouvrent le 5 mai 1789. Réunis pour la première fois depuis 1614, les représentants des trois ordres (le clergé, la noblesse et le tiers état) portent les revendications de leurs électeurs, consignées dans des cahiers de doléances. La Révolution n’est pas encore commencée : les Français aiment leur roi et comptent
sur lui pour mettre fin aux abus des plus privilégiés. Mais à Versailles, les députés n’arrivent pas à s’entendre. Après un long mois de blocage, le 17 juin 1789, le tiers état, rejoint par quelques membres du clergé et de la noblesse, décide alors de se proclamer « Assemblée nationale ». Parce qu’ils affirment représenter la souveraineté populaire, les députés de 1789 réalisent alors le premier acte véritablement révolutionnaire. La monarchie absolue a vécu.
Les états généraux 1789
LA SOCIÉTÉ D’ORDRES
À la veille de la Révolution, la France compte environ 28 millions d’habitants qui sont répartis en trois groupes appelés ordres ou états. Selon leur rôle dans la société, les individus appartiennent à un ordre ou un autre ; ces ordres sont classés, de celui qui a le plus de prestige à celui qui en a le moins. Prier et combattre pour le roi sont alors considérés comme des activités plus honorables que le travail. C’est pourquoi les hommes d’Église constituent le premier ordre, nommé clergé, et les nobles, qui ont pour vocation le service militaire, appartiennent au deuxième. Mais 98 % des Français, c’est-à-dire les bourgeois, le « petit peuple des villes » (ouvriers et artisans) et les paysans, se trouvent dans le troisième ordre, nommé le tiers état. Sur cette image anonyme datant de 1789, un vieux paysan, qui représente le tiers état, est écrasé par un homme d’Église, ayant une croix autour du cou, et par un noble portant l’épée. Cette caricature symbolise le poids de l’impôt, qui est, sous l’Ancien Régime, payé presque entièrement par le peuple. Elle dénonce donc une double inégalité : les moins riches sont aussi les plus lourdement imposés. À la fin du XVIIIe siècle, cet écart devient encore plus important et provoque de nombreuses contestations. Selon la légende de l’image, le peuple espère que cette situation va bientôt changer. Ces représentations des trois ordres sont à l’époque largement diffusées, et sur des supports très variés.
A faut esperer q'eu se jeu la Finira bentot [sic]
Saladier aux trois ordres inscrit inscrit "LA LOI / ET / LE ROY"
Pichet aux trois ordres
LE SERMENT DU JEU DE PAUME
Le 20 juin 1789, à Versailles, les députés du tiers état, accompagnés de quelques représentants de la noblesse et du clergé, se rassemblent dans la salle du Jeu de paume car le roi leur a interdit l’accès à la salle où ils se réunissent habituellement. Les députés font alors le serment de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une Constitution pour le royaume. Ils veulent que la France passe d’une monarchie absolue, dans laquelle le roi a tous les pouvoirs, à une monarchie constitutionnelle, dans laquelle ses pouvoirs seront limités par la Constitution. Pour célébrer le serment du Jeu de paume, l’Assemblée constituante – c’est le nom qu’adoptent les États généraux après juin 1789 – a commandé au peintre Jacques-Louis David un tableau, dont nous voyons ici l’esquisse. Au centre, Jean-Sylvain Bailly, futur maire de Paris, est en train de lire le serment. Les députés sont regroupés au-delà d’une ligne imaginaire, comme sur la scène d’un théâtre : ainsi, celui qui regarde le tableau a l’impression d’être spectateur. Cet aspect théâtral est accentué par les bras levés des députés qui prêtent serment. On reconnaît parmi eux Robespierre, Mirabeau, l’abbé Grégoire ou encore Barnave. Assis à droite, Joseph Martin-Dauch, le seul député qui refuse de prêter serment, garde les bras pliés en signe de protestation. Au premier plan au centre, deux membres de l’Église catholique et un pasteur protestant illustrent le rapprochement entre chrétiens de différentes confessions, et le soutien d’une partie du clergé au projet d’une monarchie constitutionnelle.
Serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789
En 1789, lorsque les états généraux se préparent, les Parisiens sont durement touchés par l’hiver, l’augmentation du prix du pain et la hausse du chômage.
En juillet, la concentration de régiments étrangers autour de Versailles provoque le bruit d’un « complot aristocratique » contre l’Assemblée. Partie le 12 juillet, la manifestation organisée en soutien à Necker et au duc d’Orléans, deux libéraux tous deux disgraciés, se transforme en une vaste insurrection. Tout autour de Paris, les barrières d’octroi brûlent depuis deux jours. Le 14, cherchant des armes pour protéger la population, les émeutiers envahissent les Invalides puis se tournent vers l’Hôtel de Ville. Soupçonné de dissimuler des armes, le prévôt des marchands, Jacques de Flesselles, est assassiné. En manque de munitions, les insurgés se rendent alors à la Bastille, principale réserve de poudre de la capitale. Là, le gouverneur de Launay tente de résister avec ses soldats avant de se rendre et d’être à son tour massacré. L’assaut fait plus d’une centaine de tués et donne à la Révolution ses premiers martyrs.
Simultanément, un pouvoir municipal se met en place et Jean-Sylvain Bailly devient le premier maire de la capitale. Renonçant à la répression, Louis XVI se rend à Paris le 17 juillet, accepte de recevoir la cocarde patriotique, reconnaît la nouvelle Commune ainsi que la garde nationale, milice de volontaires créée le 14 juillet.
La prise de la Bastille1789
LA DÉMOLITION DE LA BASTILLE
Pour les Parisiens, la forteresse de la Bastille, transformée en prison, était devenue le symbole du pouvoir absolu du roi de France car on pouvait y être emprisonné sans jugement, sur simple ordre royal. La prison est quasiment vide le 14 juillet 1789, quand les insurgés s’en emparent pour se procurer armes et munitions. Le soir même, Pierre-François Palloy, un entrepreneur en bâtiments, envoie ses ouvriers pour démolir cet édifice qui symbolise l’absolutisme. Il organise des visites du chantier et se lance dans la fabrication d’objets souvenirs à partir des morceaux de la forteresse. Ainsi, il fait réaliser de nombreuses maquettes comme celle présentée ici, sculptée dans un bloc de pierre provenant de l’ancienne prison. Palloy expédie ces modèles réduits dans les 83 départements français, qui viennent d’être créés. Il en adresse aussi aux ministres, à Louis XVI et même à des personnalités étrangères, comme le premier président des États-Unis, George Washington.
La Bastille (oeuvre exécutée dans un bloc de pierre provenant de la Bastille)
Serment des Enfans.
Prise de la Bastille par les gardes françaises et les bourgeois de Paris le 14 juillet 1789
LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est adoptée par l’Assemblée constituante le 26 août 1789. La présentation de ses dix-sept articles ressemble à celle des Tables de la Loi où sont inscrits les dix commandements envoyés par Dieu à Moïse. Les deux colonnes sont séparées par des symboles révolutionnaires : le faisceau (représentant l’union et la force), la pique (l’arme privilégiée par les manifestants du peuple) et le bonnet phrygien (qui illustre la liberté retrouvée de l’esclave affranchi). On voit aussi une couronne de lauriers, qui symbolise la gloire, et un serpent se mordant la queue, qui signifie l’éternité. La Déclaration est entourée par deux figures allégoriques : à gauche, la France brisant les chaînes de l’absolutisme royal et, à droite, la Renommée tenant le sceptre de la Raison. Tout en haut, le triangle rayonnant de l’Égalité contient l’oeil ouvert de la Providence (qui évoque Dieu surveillant l’humanité). Inspiré par la philosophie des Lumières, le texte précise quels sont les droits « naturels et imprescriptibles de l’homme ». C’est la base d’un monde nouveau, fondé sur la liberté de chaque individu et l’égalité de tous devant la loi. Il insiste aussi sur les libertés fondamentales : chacun est libre de s’exprimer, de se réunir ou de pratiquer une religion. La Déclaration des droits de l’homme aura une influence considérable dans le monde entier.
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Dès l’été 1789, afin de remédier au désordre et à l’insécurité que la Révolution risque d’entraîner, les hommes prennent les armes dans les villes et villages, forment des gardes nationales et organisent des rassemblements pouvant réunir plusieurs centaines de milliers de participants. La fraternisation de ces « fédérés » se conclut à Paris par une grandiose cérémonie nationale le 14 juillet 1790 : la fête de la Fédération. Commémorant le premier anniversaire de la prise de la Bastille, elle est célébrée au Champ-de-Mars sous la houlette de La Fayette et réunit 50 000 hommes venus des quatre-vingt-trois départements (créés le 15 janvier 1790) qui défilent devant la famille royale et plus de 400 000 Parisiens. La fête de la Fédération vise à mettre en scène l’adhésion des Français et de leur roi au projet constitutionnel. Ainsi, une foule immense prête serment « à la Nation, à la Loi et au Roi » dans un enthousiasme que le mauvais temps n’arrive pas à gâcher. Pourtant, derrière cette image d’unanimité, de graves tensions subsistent. La Révolution est loin d’être terminée et dans certains départements, la guerre civile commence.
La fête de la Fédération 1790
LA FÊTE DE LA FÉDÉRATION
Le 14 juillet 1790, une grande fête nationale est organisée sur le Champ-de-Mars pour célébrer le premier anniversaire de la prise de la Bastille : c’est la fête de la Fédération. 50 000 hommes et femmes venus des 83 départements français défilent devant la famille royale et plus de 400 000 Parisiens. Une foule immense prête alors serment « à la Nation, à la Loi et au Roi », comme l’illustre ce tableau peint par Charles Thévenin en 1796. Les députés de l’Assemblée constituante, massés dans une tribune à droite, doivent rédiger la première Constitution du royaume. Sur les marches, on voit Louis XVI qui prête serment à la future Constitution, aux côtés du maire de Paris, Bailly. En retrait, la reine Marie-Antoinette présente à la foule le dauphin, héritier de la couronne, alors âgé de cinq ans. Dans la partie gauche du tableau, le peintre montre la messe célébrée sur l’autel de la Patrie, symbole de la Nation. Si les Français acclament les idées nouvelles de la Révolution, ils restent encore très attachés à la personne du roi. Pendant plusieurs jours, des bals, des fêtes et des banquets se succèdent à Paris ; on pense que la Révolution est terminée. Pourtant, derrière cette image d’unanimité, le pays connaît de fortes tensions et, dans plusieurs départements, les émeutes et soulèvements se multiplient.
Vue de la fête donnée sur le plan de la Bastille
Refusant la remise en cause de son pouvoir, Louis XVI tente de s’enfuir dans la nuit du 20 juin 1791. Intercepté de justesse à Varennes, il doit regagner les Tuileries dans une ambiance glaciale. L’idée de République prend corps. Après avoir muselé les radicaux et déclaré le roi inviolable, la majorité des députés choisit le compromis d’une monarchie constitutionnelle : le 14 septembre, le roi prête serment à la Constitution. L’Assemblée constituante laisse alors place à l’Assemblée législative, où le problème de la guerre s’impose aussitôt. Perçue comme une menace par les cours européennes, visée par les émigrés qui composaient l’élite de l’armée d’Ancien Régime, la Révolution fait courir au royaume un risque d’invasion. Devançant les dangers, les Français déclarent la guerre à l’Autriche le 20 avril 1792. Parallèlement, le roi cache de moins en moins son double jeu et les députés les plus actifs préparent l’insurrection. Dans la nuit du 9 au 10 août, une Commune insurrectionnelle remplace l’ancienne municipalité. Le 10, les fédérés et les ouvriers des faubourgs attaquent les Tuileries. Le roi est suspendu, mais il faut attendre le 22 septembre pour que la République soit proclamée. Les Français sont comme galvanisés : deux jours auparavant, à Valmy, une armée de volontaires avait réussi à repousser les Prussiens. Une nouvelle assemblée est élue au suffrage universel masculin : la Convention nationale.
De la monarchie constitutionnelle à la proclamation de la République 1791-1792
LA FUITE DU ROI
Après avoir appliqué de l’encre sur cette planche en bois gravée d’un motif, on l’imprimait sur une feuille de papier pour en faire une affiche. Cette technique s’appelle la xylogravure (ou gravure sur bois). Ici, Jean-Baptiste Letourmi a représenté l’arrestation du roi et de sa famille à Varennes. Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, Louis XVI quitte Paris avec la reine, sa soeur Madame Élisabeth, le dauphin, sa fille Madame Royale et leur gouvernante, Mme de Tourzel, tous déguisés en bourgeois. Le roi a juré de maintenir la Constitution, qui vient d’être votée et donne une partie du pouvoir de l’État aux députés, mais il cherche en secret à rétablir son pouvoir absolu. La famille royale fuit vers l’est de la France dans le but de rallier des troupes fidèles ou de franchir la frontière pour trouver le soutien des armées étrangères et des nobles qui ont émigré. Mais, après de multiples péripéties, Louis XVI est reconnu par le maître de poste Jean-Baptiste Drouet. Celui-ci se lance à la poursuite de la berline royale et l’intercepte de justesse dans la petite ville de Varennes. La famille royale est ramenée à Paris sous les huées. Cet épisode est l’un des tournants majeurs de la Révolution car la fuite de Louis XVI apparaît comme une trahison : une partie du peuple renie son soutien au souverain. On commence alors à penser que le pays pourrait se passer de roi et devenir une république.
Arrestation du roi et de sa famille à Varennes le 22 juin 1791
Arrestation du roi et de sa famille a Varenne le 22 juin 1791
LES « SANS-CULOTTES »
Ce portrait peint par Louis-Léopold Boilly vers 1792 est la première représentation connue d’un « sans-culotte », surnom donné aux révolutionnaires qui portent un pantalon large au lieu de la culotte courte revêtue par les aristocrates et les bourgeois. Ils sont également coiffés du bonnet phrygien rouge décoré d’une cocarde tricolore, qui évoque les esclaves affranchis de la Rome antique. Si les rayures de sa chemise font partie d’une « mode révolutionnaire » venue d’Amérique, la pipe et les sabots montrent que cet homme appartient au peuple. Appartenant au petit peuple de la ville, les « sans-culottes » veulent une République égalitaire fondée sur la souveraineté populaire. Ils se retrouvent pour débattre dans les assemblées de quartier et les clubs politiques radicaux. Favorables à l’action directe, ils participent à la prise du palais des Tuileries, le 10 août 1792, qui provoque la chute de la monarchie. Le « sans-culotte » porte ici un drapeau tricolore. Né sous la Révolution, ce drapeau associe le rouge et le bleu de la ville de Paris au blanc de la monarchie. Les trois couleurs sont d’abord représentées sous la forme d’une cocarde. Puis, en 1794, la Convention nationale impose des bandes verticales et l’ordre des couleurs. Sur le drapeau, on peut lire la formule « La liberté ou la mort », à l’époque utilisée simultanément à « Liberté, Égalité, Fraternité », qui deviendra la devise de la République française.
Portrait du chanteur Simon Chenard (1758-1832), en costume de sans-culotte, porte-drapeau lors de la fête en l'honneur de la liberté de la Savoie, le 14 octobre 1792
Sans-culottes en armes : sans-culotte, factionnaire, charretier, fort des halles, savetier, menuisier, fusil à baïonnette, pique, bonnet, costume
À la suite de la prise des Tuileries le 10 août, le roi est destitué le 21 septembre et emprisonné avec sa famille au Temple. Il est désormais surnommé « Louis Capet » par les révolutionnaires, non seulement en référence à son ancêtre Hugues Capet, mais surtout pour le renvoyer à son nouveau statut de simple citoyen. À la suite de la découverte de l’« armoire de fer », placard secret rempli de documents prouvant sa collusion avec les souverains étrangers et attestant qu’il avait réussi à corrompre de nombreuses figures du monde politique, la Convention décide d’organiser le procès du roi. Après de longs débats, le roi est déclaré coupable presque à l’unanimité, mais n’est condamné à mort qu’à une faible majorité.
Il est guillotiné le 21 janvier 1793 sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde), puis le 16 octobre c’est au tour de Marie-Antoinette, suivie de près par Madame Élisabeth, la sœur du roi. Le Dauphin, qui devait devenir Louis XVII, meurt quant à lui à la prison du Temple le 8 juin 1795. Madame Royale, sa sœur, sera échangée contre d’autres prisonniers en 1795. Considérée comme sacrilège par de nombreux Français et Européens, l’exécution du roi accélère les événements. Refusant l’enrôlement dans les armées républicaines, beaucoup de Français, en particulier dans l’Ouest, prennent les armes contre la Révolution. En même temps, une vaste coalition européenne se forme, provoquant par contrecoup une radicalisation révolutionnaire en France.
La chute de la monarchie et le destin de la famille royale 1792-1793
LA PRISON DU TEMPLE
Habit du dauphin Louis XVII
Portrait de Marie-Antoinette au Temple
Révolution française : La famille royale dans le jardin du Temple, en compagnie de Cléry. 4ème arrondissemnent
La réforme du calendrier est particulièrement révélatrice des attitudes révolutionnaires devant le Temps et l’Histoire. Par sa volonté de s’emparer du temps, la Convention essaie d’adapter les habitudes des Français aux nouvelles valeurs de la République.
Dès le 20 septembre 1793, le député Gilbert Romme présente devant la Convention un rapport sur ce qui va bientôt devenir le calendrier républicain, destiné à remplacer le calendrier grégorien. Après plusieurs ajustements, le décret du 4 frimaire an II (24 novembre 1793) lui donne sa forme définitive.
Le calendrier républicain débute le 1er vendémiaire an I (22 septembre 1792), jour de la proclamation de la République. L’année du calendrier est découpée en douze mois de trente jours chacun, plus six jours ajoutés en fin d’année. Chaque mois est découpé en trois décades. Les noms des mois et des jours, conçus par le poète Fabre d’Églantine, évoquent les cycles de la nature et les travaux agricoles. Le calendrier révolutionnaire survit jusqu’au 1er janvier 1806 : même au début de l’Empire, de nombreux symboles républicains sont utilisés pour fédérer les Français.
Une autre mesure concerne la division du jour qui devient décimale : dix heures découpées en dix parties, et chaque partie en dix autres. Ce souci d’uniformisation de tous les systèmes de mesure se heurte à de telles difficultés d’application dans l’horlogerie que son usage est finalement abandonné en 1795.
La mesure du temps : le calendrier républicain et l'heure décimal
L’HEURE DÉCIMALE
Cette pendule, fabriquée vers 1795, est un objet assez rare car elle est réglée selon le système décimal, créé sous la Révolution. Sous l’Ancien Régime, les unités de mesure étaient très différentes d’une région française à l’autre, ce qui compliquait la vie quotidienne et freinait le commerce. En 1790, l’Assemblée nationale demande à des savants de l’Académie des sciences d’étudier un système de poids et de mesures plus simple et unique pour tout le pays. Ils inventent le mètre, le kilogramme et le litre, qui sont basés sur le système décimal. Désormais, tout doit être divisible par dix : les semaines ont dix jours, les jours dix heures, les heures cent minutes et les minutes cent secondes. La plupart des pendules décimales sont des horloges-squelettes, comme celle-ci, dont les rouages sont visibles au centre du plus grand cadran. Celui-ci indique les divisions duodécimales, soit douze heures. Au-dessous, un autre cadran indique les divisions décimales, soit dix heures, et le nom des mois du nouveau calendrier républicain qui débute le 1er vendémiaire an I (c’est-à-dire le 22 septembre 1792), jour de proclamation de la République. Si le système décimal n’a jamais pu être véritablement appliqué aux heures, le calendrier républicain est resté en vigueur jusqu’au 1er janvier 1806.
Pendule-squelette marquant les heures décimales et duodécimales
L’histoire de la Convention est marquée par la lutte entre deux groupes politiques : les « Girondins », opposés à l’élargissement de la participation populaire et partisans du libéralisme économique, et les « Montagnards », plus proches des sans-culottes et favorables à l’extension des mesures d’exception.
Au printemps 1793, la Convention crée un Comité de salut public, des comités de surveillance dans les communes et un Comité de sûreté générale à Paris. La loi ordinaire s’efface devant les mesures d’exception, rognant la démocratie.
Après l’éviction des Girondins le 2 juin 1793, les Montagnards font voter une nouvelle constitution, dite « de l’an I », plus sociale et démocratique. Jamais appliquée, elle laissera un important héritage au siècle suivant.
Dépassés par la guerre civile et l’invasion du territoire, les députés votent des lois à la fois destinées à défendre la République et à inventer une nouvelle société égalitaire, laissant un legs contrasté : si la dictature réprime toute opposition, excluant les femmes de la vie politique et cautionnant les violences, les députés définissent une politique nationale d’action sociale et votent la première loi d’obligation scolaire, puis la première abolition de l’esclavage de l’Histoire. Mais le 10 juin 1794, la loi du 22 prairial accélère encore la répression politique. L’arrestation de Robespierre et de ses alliés, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), marque la volonté de tempérer la Révolution.
La convention 1792-1794
Maximilien de Robespierre
Avocat originaire d’Arras, Maximilien de Robespierre est élu parmi les députés du tiers état en 1789. Surnommé « l’Incorruptible », il devient célèbre dès les débuts de la Révolution pour sa force de caractère et la puissance de ses discours. Réélu à la Convention (l’Assemblée qui gouverne la France de 1792 à 1795), il siège parmi les députés les plus à gauche, qui prennent le nom de « Montagnards ». Ils sont proches des sans-culottes et ouverts aux revendications populaires. Robespierre n’est pas montré ici comme un homme politique en action. Il est peint sous les traits d’un personnage distingué, les cheveux soigneusement poudrés et vêtu avec élégance. En tant que membre du Comité de salut public, Robespierre joue un rôle important lors du gouvernement révolutionnaire. Cette organisation politique, fondée au printemps 1793, doit permettre de sauver la République alors menacée par la guerre à l’extérieur des frontières françaises, mais aussi par les soulèvements à l’intérieur du pays et les luttes entre républicains. Accusé d’être un tyran, Robespierre sera arrêté le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et guillotiné le lendemain avec ses proches.
Portrait de Maximilien De Robespierre (1758-1798), homme politique
LA GUILLOTINE
Ce modèle réduit est la copie fidèle d’une guillotine de la période révolutionnaire. Elle est composée de deux montants verticaux à glissière dans lesquels coulisse la lame. Le condamné est attaché étendu sur une planche mobile et sa tête est maintenue dans la lunette. Un casier sert pour la réception de la tête et un panier d’osier (représenté ici en bois) est destiné à recueillir le corps après l’exécution.
La guillotine tire son nom de Joseph-Ignace Guillotin, médecin et député du tiers état en 1789. Il n’est pourtant pas l’inventeur de cette machine imaginée par le docteur Louis en 1791 et dont le principe existait depuis le Moyen-Âge, en France et à l’étranger. Néanmoins, sous la Révolution, Guillotin propose que ce mode d’exécution qui limite les souffrances soit appliqué pour tous les crimes et pour tous les condamnés quel que soit leur condition sociale.
La guillotine est utilisée pour la première fois le 25 avril 1792 et c’est à la suite de l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, que son utilisation devient plus courante. Elle restera en vigueur, en France, jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981.
Modèle réduit de guillotine, avec son panier en osier
Une exécution capitale, place de la Révolution
La Convention « thermidorienne » débute lors de la chute de Robespierre (27 juillet 1794). Une partie des Français aspire maintenant à un compromis. Les Thermidoriens souhaitent clore la Révolution en installant une république conservatrice, le « Directoire ». Le régime est fondé par la Constitution de l’an III (22 août 1795). Il tire son nom des cinq directeurs, qui exercent collectivement le pouvoir exécutif : s’il n’est plus question de laisser toute l’autorité dans les mains des députés, la collégialité doit éviter les dérives autoritaires. D’inspiration bourgeoise, il est marqué par le rétablissement du suffrage censitaire qui sert à élire, sur le modèle anglais, les deux chambres législatives (le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens). Même s’il a longtemps été oublié, le Directoire fut un important laboratoire politique, en particulier en Europe, où plusieurs « Républiques sœurs » voient le jour. Mais il est difficile de clore la guerre civile. La période est ainsi rythmée par une série de complots et de coups d’État, tantôt à gauche (néo-jacobins), tantôt à droite (royalistes), jusqu’à celui de Napoléon Bonaparte, le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799). Le Directoire est alors remplacé par le Consulat. Ce régime autoritaire est dirigé par trois consuls dont seul le premier, Napoléon Bonaparte, nommé à vie en 1802, détient réellement le pouvoir. Deux ans plus tard, la proclamation du Premier Empire marque la fin de la Première République française (1792-1804).
Le directoire 1795-1799
INCROYABLES ET MERVEILLEUSES
Les Merveilleuses
Cette caricature de l’époque du Directoire[1] représente des jeunes bourgeois ou aristocrates qui affichent leur opposition à la Révolution en adoptant des tenues extravagantes. Le Directoire est ainsi une période faste pour la mode.
Les hommes, surnommés « Incroyables » ou plutôt « Inc’oyables » car ils refusent de prononcer la lettre « R » de la Révolution, portent des cravates volumineuses, des redingotes courtes ainsi que des bicornes et des souliers pointus qui rappellent ceux du Moyen Âge. Ils se distinguent aussi par leurs cheveux tressés ou abattus le long des tempes que l’on nomme « oreilles de chien ». La canne-gourdin fait également partie de leur panoplie; c’était une arme redoutable, utilisée dans les combats de rue entre royalistes et républicains.
Les femmes, appelées « Merveilleuses », portent des robes légères à la mode antique. Ces robes étant trop près du corps pour qu’on puisse y faire des poches, elles portent, à bout de bras ou attachés à la ceinture, de petits sacs appelés « réticules ». Elles exhibent d’autres précieux accessoires : perruques, éventails,bésicles[2] et arborent des chapeaux à longue visière.
Ces modes se font connaitre plus largement grâce à la caricature, comme cette planche qui eut un énorme succès et fut plusieurs fois reproduites.
[1] Directoire : Régime républicain et conservateur fondé par la Constitution de l’an III (22 août 1795), il tire son nom des cinq directeurs qui exercent ensemble le pouvoir exécutif.
[2] Bésicles : Anciennes lunettes sans branches qui se fixent sur le nez.
Les Croyables / Actifs du Palais ci-dev.t Royal.
Quatre couples en promenade.
La Révolution est marquée par une longue période de guerre. Les multiples campagnes, caractérisées par une mobilisation sans précédent, permettent de sauver la République française. Certaines victoires contribuent même à étendre de façon significative son emprise territoriale. Après avoir repoussé les Prussiens à Valmy, le 20 septembre 1792, les Français prennent l’offensive, tant pour « libérer » les peuples voisins et étendre la « civilisation » que pour protéger la République et exalter l’opinion intérieure. Les victoires de Jemmapes (6 novembre 1792) et de Fleurus (26 juin 1794) assurent ainsi l’annexion de l’actuelle Belgique. S’y ajoutent en particulier la Savoie, Nice, la rive gauche du Rhin et plusieurs « Républiques sœurs », dont la République batave et les républiques italiennes. Dès ses débuts, la Révolution est aussi marquée par la guerre civile. Afin de restaurer la monarchie, l’autorité de l’Église et les « traditions », des mouvements insurrectionnels apparaissent alors dans différentes régions de France, mais surtout dans l’Ouest, où la « Vendée » devient synonyme de « Contre-Révolution ». Sous le Directoire, la guerre et la demande croissante d’autorité donnent l’occasion à de nombreux militaires de gravir rapidement les échelons de l’armée et de s’affirmer comme personnalités politiques. De brillants soldats comme Kléber, Jourdan, Hoche et Marceau, s’élèvent très rapidement dans la hiérarchie militaire. Toutefois, la plus exemplaire de ces ascensions reste celle de Bonaparte.
La Révolution et la guerre 1792-1799
LE RECRUTEMENT MILITAIRE
Au garde national. Enseigne de recrutement militaire.
Cette enseigne représente un soldat de la Garde nationale, milice[1] de volontaires créée le 14 juillet 1789 et commandée par le marquis de La Fayette. Le soldat porte l’uniforme du régiment des Gardes françaises qui a participé à la prise de la Bastille. Sur son habit, on reconnaît d’ailleurs la médaille d’or communale des Gardes françaises qui est la décoration des soldats vainqueurs de la Bastille.
Cette enseigne a été utilisée sous la Révolution pour enrôler des volontaires dans les armées. Le nombre de mobilisés pour les nombreuses campagnes militaires révolutionnaires est sans précédent. Le 11 juillet 1792, l'Assemblée proclame « la Patrie en danger » et demande à tous les volontaires d’affluer vers Paris. À défaut d'expérience et de discipline, les volontaires apportent leur ardeur patriotique à l’armée, mais celle-ci manque rapidement d’hommes et d’officiers. Le 5 septembre 1798, le service militaire est finalement rendu obligatoire par la loi Jourdan-Delbrel, dont le premier article stipule que « tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ».
[1] Milice : Troupe armée non officielle.
Joyeux départ des volontaires aux armées
Le citoyen Nau-Deville, en uniforme de la garde nationale, faisant transporter un convoi d'armes et de munitions
LE GÉNÉRAL BONAPARTE
Portrait de Napoléon Bonaparte (1769-1821), général
Ce buste est l’un des premiers portraits sculptés du général NapoléonBonaparte, qui deviendra Napoléon Ier, premier empereur des français. Il témoigne de la popularité grandissante du jeune général qui vient de conquérir la gloire en Italie et qui s’apprête à triompher en Orient. À son retour, la France est en crise. Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), il orchestre un coup d’État contre le Directoire et, le lendemain, il est nommé consul provisoire et un mois plus tard Premier Consul.
Bonaparte est représenté grandeur nature et portant son uniforme de général. Son allure est conforme aux descriptions de l'époque : visage mince, joues creusées, menton volontaire, cheveux longs noués dans la nuque avec des mèches lui tombant sur les tempes et le front. Le manteau drapé sur l'épaule appartient à la tradition du portrait d'apparat sculpté qui sert à souligner la grandeur des princes et des souverains dans les poses officielles ou héroïques. Ce buste a connu un succès immédiat et de nombreuses copies en marbre et en bronze en seront réalisées par la suite.
Portrait de Bonaparte (1762-1821), général
Dès 1789, les marques les plus visibles du despotisme et des inégalités sociales font l’objet d’attaques, qui s’intensifient lors de la fuite du roi (20 juin 1791) et surtout après la chute de la monarchie (10 août 1792). Dans les villes et les campagnes, les statues des rois et des saints, les croix, mais aussi les fleurs de lys et les armoiries sont brisées, dégradées ou martelées, forgeant en creux un nouvel espace public. Parallèlement, pour servir les besoins de la guerre, bien des églises parisiennes deviennent des lieux d’assemblée, sont transformées en hôpitaux, en casernes ou en granges à foin. Le terme de « vandalisme » utilisé par l’abbé Grégoire en 1794 pour dénoncer ces actes, fait oublier que la grande majorité d’entre eux s’opère de manière concertée en réponse à des lois, les excès étant le plus souvent condamnés. Beaucoup de ces objets ne sont pas détruits mais conservés et, souvent pour la première fois, exposés au public. La Révolution invente ainsi la notion de « patrimoine », qui est à l’origine de la création des premiers musées : le Muséum d’histoire naturelle en juin 1793, le Muséum des Arts (actuel musée du Louvre) en novembre 1793, le Conservatoire des Arts et Métiers en octobre 1794 ou encore le Musée des monuments français, créé en octobre 1795 par Alexandre Lenoir.
Destructions, effacements et invention du patrimoine parisien
LE MUSÉE DES MONUMENT FRANÇAIS
La Salle d'introduction du musée des Monuments français.
Cette toile représente une salle du Musée des monuments français créé par le peintre Alexandre Lenoir. Il s’agit d’un des premiers musées français qui naissent sous la Révolution. Il ouvre au public en octobre 1795 dans les bâtiments du couvent des Petits-Augustins. Au début de la Révolution, il avait été transformé en dépôt destiné à accueillir les biens confisqués au clergé, à la suite du décret du 2 novembre 1789. L’objectif de Lenoir est de mettre ces nouveaux trésors nationaux à l’abri du « vandalisme » révolutionnaire et de la destruction des bâtiments, dont les nouveaux propriétaires se servent comme matériaux de construction.
Destiné à l’enseignement des citoyens, le cœur du musée se compose de plusieurs salles où des œuvres sculptées médiévales et modernes sont présentées suivant un classement chronologique qui permet au public de se faire une idée de l’évolution de la sculpture et de l’architecture en France. Les collections du musée permettent ainsi d’esquisser une nouvelle histoire de la Nation française.
Chaque salle se distingue des autres par un décor et une atmosphère particulière. La salle dédiée au XVe siècle, représentée ici, reçoit par exemple une décoration luxueuse, dans le goût de l’époque. Près du tombeau, au centre de la pièce, on reconnaît Lenoir en train de commenter le monument à un visiteur.
Portrait d'Alexandre Lenoir (1762-1839), fondateur du musée des monuments français
Le Jardin du Musée des monuments français, ancien couvent des Petits-Augustins
DESTRUCTION DES TOMBES ROYALES À SAINT-DENIS
La Violation des caveaux des rois dans la basilique de Saint-Denis, en octobre 1793
Ce tableau représente la destruction des caveaux des rois conservés dans la basilique de Saint-Denis, la principale nécropole des rois de France depuis plusieurs siècles. La destruction des tombeaux est décrétée par la Convention nationale pour célébrer le premier anniversaire de la chute de la monarchie du 10 août 1792. En détruisant les symboles visibles de l’Ancien Régime, les révolutionnaires cherchent alors à faire table rase du passé.
Cette peinture montre comment ils sortent les cercueils de la crypte à l’aide de longues échelles avant de détruire les tombeaux et de jeter les dépouilles des rois dans des fosses communes. A travers la galerie souterraine détruite, on aperçoit les murs et les vitraux de la nef gothique de l’église. Le peintre joue sur le contraste entre l’obscurité de la crypte et l’élan lumineux, visible de la voûte. Cette toile est caractéristique du style du peintre Hubert Robert qui était fasciné par le thème des ruines antiques et, plus tard, par celles de la Révolution, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de « Robert des ruines ».