Lettre autographe signée de [Madame Amélie] Carpeaux [à Henry Lapauze], 2 juin

Transcription : « 2 juin.Monsieur,Je proteste énergiquement contre l’enlèvement du groupe original de Carpeaux, à l’Opéra. Outre qu’il serait contraire à la volonté formelle du peintre – j’en fournirai les preuves au besoin – cet acte serait du pur vandalisme. Le groupe de la Danse n’est pas d’un seul bloc : mais l’assemblage de nombreux morceaux. Son démontage sera sa destruction certaine !Et qui donc osera se charger de le reconstituer ? Voire même de le copier ?Certes, il est navrant qu’un pareil chef d’œuvre ait été laissé à l’abandon et dans l’incurie depuis bien des années, je lutte pour obtenir qu’il soit seulement protégé contre les écoulements d’eau établis justement au dessus de lui.Mais, sachez le bien, si on l’enlève, il est perdu ! Et ses morceaux disloqués iront pourrir dans quelque coin, d’où ils ne ressortiront plus.J’ai déjà protesté contre l’enlèvement aux Tuileries, du bronze de l’Ugolin comme exécutée par Carpeaux, spécialement en une vue de plein air. Et qui végète maintenant étouffée, écrasée dans le musée. Mais, un bronze ne connaît nul danger de dégradation à l’air. Mais le sort qu’on réserve à la Danse, est autrement triste ! Carpeaux a bien souffert, bien lutté pour cette œuvre là.Mais il n’a pas fini, paraît-il ! Car dans sa tombe, il ressentira l’amertume de voir détruire son groupe tant aimé – sous prétexte de le conserver ! Tandis qu’il suffirait de déplacer ou de modifier certains conduits d’eau, pour le mettre à l’abri.Je suis une malheureuse mère, brisée de douleur. Mon fils aîné a subi prématurément une mort digne du nom qu’il portait. Mais, jusqu’à ma dernière heure, je lutterai pour l’intégrité de l’œuvre laissée par le maître et je vous remercie de ce que vous voudrez bien faire pour m’y aider.Recevez, M.Carpeaux née De Montfort »