Un homme ressemblant à une idée

Zoom
Un homme ressemblant à une idée
Maison de Balzac / Roger-Viollet
X
Zoom
Autre visuel (1)
Portrait (Sujet représenté) - Vieil homme - Canne
Un homme ressemblant à une idée
Huard, Charles
Datation
Entre 1910 et 1950
Musée
Maison de Balzac
Auteur(s)
Huard, Charles (Poncey-sur-l'Ignon, 02–06–1874 - Poncey-sur-l'Ignon, 30–03–1965), dessinateur
Dates
Entre 1910 et 1950
Type(s) d'objet(s)
Dénomination(s)
Numéro d’inventaire
BAL99-632
Un homme ressemblant à une idée

Informations détaillées

Auteur(s)
Huard, Charles (Poncey-sur-l'Ignon, 02–06–1874 - Poncey-sur-l'Ignon, 30–03–1965), dessinateur
Gusman, Pierre (Paris, 06–12–1862 - Grosrouvre, en 1942), graveur
Date de production
Entre 1910 et 1950
Type(s) d'objet(s)
Dénomination(s)
Dimensions - Oeuvre:
  • Hauteur : 7 cm
  • Largeur : 2.4 cm
  • Epaisseur : 2.356 cm
Description

Matrice pour l'illustration des Aventures administratives, Oeuvres diverses 2, volume 39, Paris, Editions Conard, 1910-1950, p. 659

Description iconographique

Portrait en pied d'un homme s'appuyant de sa main gauche sur sa canne. Il porte une redingote étroite et longue jusqu'aux genoux sur un gilet boutonné, une culotte et des bas. On croit également distinguer une perruque blanche sous son chapeau. "Si jamais un homme a ressemblé à une idée, vous auriez juré que, de dessous la draperie des fenêtres, une pauvre idée gelée, et qui s'était collée aux vitres comme Trilby pour sentir la chaleur de ces campagnes qu'elle voyait voltiger sous les lambris dorés, qu'une idée foraine venait de passer par la fente de la croisée, avait fripé ses ailes dans l'espagnolette, laissé la poussière chatoyante de son corselet diapré le long des bourrelets. Elle grelottait encore, elle était malade, souffrante, grise, ébaubie, hystérique, blessée, cicatrisée ; mais vivante, mais prête à laper quelque fluide comme un vampire. Oui, elle avait soif d'or comme un ouvrier a soif de vin et flaire le vin du lundi, dès la barrière... A l'aspect de cet homme, ces images s'élevèrent diversement dans l'imagination ; mais, si tous les yeux le virent, chacun l'aperçut sous une forme différente. Il vivait, mais ses lèvres étaient pâles ; mais ses habits noirs étaient pâles ; mais il était détruit ; mais il était à jour comme un chou rongé par les chenilles. Tous les malheurs sociaux qui peuvent accabler un homme promis aux incurables lui avaient tiré chacun leur coup. Mais il était nerveux, il avait soutenu tous les feux et demeurait droit comme le squelette d'un pendu que le vent balance. Le plomb fondu du jeu avait glissé sur son coeur sans l'entamer ; les douches de la misère avaient glissé sur son crâne, l'avaient verdi, jaspé comme pierre d'égout; mais il avait encore assez de crâne pour contenir une cervelle, et assez de coeur pour recevoir du sang, un sang fielleux, qui jaunissait sa face creuse, blême, dont le système osseux était assez solide encore. Les mots « maigre, étique » ne pouvaient lui servir de modificatifs. Peut-être le mot moderne « squelettique » serait-il un comparatif, mais il était le superlatif incomparable et visible de la pensée que veulent exprimer ces syllabes, impuissantes pour lui. Il avait bien quelques cheveux, mais ces cheveux prouvaient l'extrême divisibilité de la matière ; pour s'en faire une image, il faudrait supposer, fendus en cent parties, les cheveux les plus fins de la plus fine femme, et leur donner la couleur de l'édredon. Mais quelle comparaison peindrait l'air, triste et désolé de ces cheveux qui retombaient derrière la tête et sur les épaules en se bouclant à peine aux extrémités. Vous eussiez dit des ondées de larmes. Ses yeux fauves, privés de leur humidité vitale, avaient une clarté de forge rouge et roulaient au fond de leurs cavités dont les bords dénués de cils ressemblaient à ceux de l'oeil d'un vautour. Pour tout sourcil, une marque bleuâtre. Excepté Dante ou Paganini, jamais nulle créature humaine n'annonça plus de souffrances ressenties, plus de vie épuisée, plus de vie persistante. Quand l'inconnu leva les yeux tout le monde frissonna d'en voir la nacre sensibilisée, il sembla certes à tout le monde que Dieu allait descendre et sa gloire crever les planchers. Oui, si ce regard n'ouvrait pas les cieux, il fallait renoncer à la prière et à l'espoir ; il n'y avait pas de Dieu ! Quant à ses mains, c'étaient les articulations puissantes du homard ; ou mieux, les vieilles serres d'un aigle mourant dans sa cage au Jardin des Plantes, et qui pendant toute sa vie a voulu saisir une proie et n'a rien saisi. Sa langue avait quelque chose de noirâtre comme celle des perroquets, elle était sèche, épuisée, elle avait soif et faim. Enfin, son nez meurtri, long, son nez de marchand de parapluies avait dû se prendre cent fois dans la chatière du bureau des oppositions au Trésor royal. Cet homme, voyez-vous, était le désespoir centenaire, le désespoir froid, mais qui ne doute pas encore." (extrait des "Aventures administratives" tiré des "Oeuvres diverses")

Thèmes / Sujets / Lieux représentés :
Date d’acquisition
1999
Institution
Numéro d’inventaire
BAL99-632

Indexation

Theme representé

Retour vers le haut de page